Devenir sauvage pour redevenir humain

La nature, incluant la vie sous toutes ses formes, n’a jamais cessé d’évoluer. À chaque seconde, les cellules apprennent pour mieux répéter. J’écris ceci derrière le hublot d’un monstre de métal volant. Je contemple les turbines de cette masse lourde et je suis fasciné que ce truc puisse voler, se soulever de terre et contredire les forces de la gravité si palpable. NOUS avons construit cela! Et cette ville que je vois disparaître au loin, NOUS L’AVONS CONSTRUITE AUSSI!

C’est beau, poétique et triste de voir nos terres et nos constructions de là-haut; ces labyrinthes géométriques que l’on nomme banlieues, ces nombreuses routes sillonnées par les voitures, ces circuits nerveux d’antennes électriques au milieu d’étendues jaunes et désertes formant des rectangles définis que sont ces champs à perte de vue.  J’en suis à réfléchir à l’utilisation que l’on fait de ces si grands espaces conquis, alors qu’en guise de réponse, l’hôtesse de l’air m’offre un paquet de craquelins sucrés. À entendre la symphonie des froissements de papiers d’emballage dans l’avion et l’excitation soudaine, je comprends rapidement qu’un refus du biscuit n’est pas chose courante et je l’accepte par curiosité.

Avec ces champs qui défilent sous mes yeux et la liste d’ingrédients du biscuit dans ma main, je souris tristement : sucre, maïs, soya, canola, maltodextrine, farine blanche enrichie, substances laitières modifiées… et l’encyclopédie nutritionnelle ne fait que débuter. Je ne peux faire autrement que de penser à tous ces nouveaux aliments sur le marché provenant de souches similaires. À nos légumes et nos fruits qui ne sont plus ce qu’ils étaient. Nos fruits n’ont plus de pépins, c’est-à-dire qu’ils sont dépourvus de système reproducteur. Nos légumes conventionnels ne peuvent plus survivre sans l’homme. Une carotte, une tomate, une aubergine : tous des aliments des plus communs qui n’existeraient pas sans l’assistance continuelle de l’humain pour lui fournir les nutriments essentiels et surtout les protéger des maladies. La nourriture est maintenant domestiquée.

Nous savons qu’aujourd’hui, l’homme possède un système reproducteur moins performant et une quantité moindre de spermatozoïdes que celle de nos grand-parents. Il y a une corrélation entre notre système immunitaire de plus en plus sollicité et un taux d’allergies augmentant annuellement. En constante symbiose avec notre environnement, nous devenons doucement le reflet de nos actions et de notre consommation. Tout comme les légumes que nous ingérons, nous évoluons en dépendant des ressources extérieures. L’homo sapiens est maintenant domesticus!

En sachant cela, que puis-je faire? Comment puis-je donner à mes organes et à mon système interne l’information génétique nécessaire afin de développer l’indépendance, la force immunitaire et l’intelligence pour combattre sans l’aide d’antibiotiques? Comment puis-je avoir un système reproducteur sain et évolué? Considérant que je suis le reflet de mon environnement, il suffit de soumettre mon organisme aux qualités recherchées ; consommer des aliments indépendants à forte résilience, éviter les fruits sans organes reproducteurs et ingérer la vie, dans toute sa splendeur et son autonomie. Rien au monde ne peut aller au delà du spectre nutritif des aliments sauvages. Tous les livres que je consulte s’entendent sur ce point : la bardane, l’ortie, le sureau, les bleuets, les framboises, la chicoutai, le pollen, les algues, les champignons sauvages, le cresson,  et bien d’autres aliments sauvages conserveront toujours leur titre de champions nutritionnels. Les plantes ont des millions d’années d’expériences ; l’humain, dans ses laboratoires, quelques centaines. La corrélation s’impose et une citation enfantine me trotte dans la tête; je ne peux m’empêcher de l’écrire : «Je suis ce que je mange». Simple et banale,  c’est l’irréfutable vérité d’une citation sur-utilisée. Que dire de plus!

Souvenons-nous, l’évolution est inévitable. Tout organisme apprend à pousser ses limites, devenant constamment meilleur au quotidien. Ainsi, nos enfants sont bien plus doués avec l’informatique et leurs enfants le seront davantage. La stature, l’ossature et la musculation se transmet de génération en génération: j’imagine déjà nos petits enfants naissant avec des doigts habiles pour les claviers, des postérieurs cousinés pour s’asseoir plus longtemps, une difficulté palpable à voir de loin ainsi qu’une maladresse à grimper aux arbres. Nous avons une responsabilité tangible sur notre évolution, voilà du moins, mon humble opinion. Il est donc en notre devoir de choisir nos facteurs évolutifs, de s’entourer et d’ingérer des agents auxquels nous désirons ressembler. Nous sommes, après tout, au service de la vie.

Les champs défilent toujours sous mon hublot, le biscuit intouché repose encore sur mes genoux. Je me demande en riant si je veux lui ressembler.

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